Ukraine: tirs de missiles de longue portée

Moscou a promis mardi une réponse appropriée à l'attaque sur son territoire menée par Kiev avec des missiles américains ATACMS, estimant que le conflit basculait dans une nouvelle phase et annonçant que les possibilités de recours au nucléaire étaient ainsi élargies.

Le fameux missile longue portée ATACMS, qui a été utilisé pour la première fois dans le conflit par l'Ukraine. © KEYSTONE/AP/Phil Holm
Image tirée d'une vidéo publiée par une chaîne Telegram affiliée à l'armée ukrainienne mardi. La chaîne dit qu'elle montre des missiles ATACMS fournis par les Etats-Unis en train d'être tirés d'un endroit non divulgué en Ukraine. L'AP ne peut pas vérifier de manière indépendante la date et le lieu. © KEYSTONE/AP
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Cette rhétorique sur l'utilisation de l'arme atomique a été dénoncée par Washington, l'Union européenne et le Royaume-Uni, qui ont fustigé une attitude "irresponsable" de Moscou.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a pour sa part appelé à "garder la tête" froide face à cette révision de la doctrine nucléaire russe et à "ne pas céder à la peur".

"Leur doctrine nucléaire révisée et leur rhétorique sur l'utilisation des armes nucléaires ne sont rien d'autre que du chantage", a déclaré Andriï Sybiga devant une commission du Congrès américain.

Le Pentagone a affirmé continuer "à surveiller", ajoutant: "rien n'indique que la Russie se prépare à utiliser une arme nucléaire en Ukraine".

Le président français Emmanuel Macron a dénoncé une posture "escalatoire" de la Russie qu'il a appelée "à la raison". "Elle a des responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies", a indiqué M. Macron à des journalistes après un sommet du G20 à Rio de Janeiro.

Il a par ailleurs indiqué avoir appelé le président chinois Xi Jinping à "utiliser tout son poids, sa pression, sa capacité de négociation à l'égard du président Poutine pour qu'il cesse les attaques".

1000 jours

Au 1000e jour de l'invasion de l'Ukraine, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé les Américains d'avoir aidé l'armée ukrainienne dans ces frappes sur la région frontalière russe de Briansk.

Elles sont intervenues après le feu vert de Washington à Kiev dimanche pour tirer sur le sol russe avec ces missiles de longue portée, ce que le Kremlin avait présenté comme une ligne rouge.

En septembre, Vladimir Poutine, qui réclame la reddition de l'Ukraine, avait prévenu que si ce pays tirait sur le territoire russe avec de tels missiles occidentaux, cela signifierait que "les pays de l'Otan sont en guerre contre la Russie".

Le président russe ne s'est pas encore exprimé publiquement sur l'attaque ukrainienne de mardi matin qui, selon Moscou, a visé des installations militaires.

Confirmation ukrainienne

D'après le récit de l'armée russe, "à 03h25, l'ennemi a frappé un site de la région de Briansk", non loin de la frontière ukrainienne, avec des "missiles tactiques ATACMS". Cinq projectiles ont été détruits et un autre endommagé par la défense antiaérienne russe.

Ces frappes ont été confirmées à l'AFP par un responsable ukrainien s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, même si le chef de l'Etat Volodymyr Zelensky s'est quant à lui simplement borné à dire, en conférence de presse à Kiev, que son pays disposait de ces missiles et allait "les utiliser".

M. Lavrov a pour sa part jugé que de tels tirs étaient "un signal" selon lequel l'Ukraine et les Occidentaux "veulent l'escalade".

"Nous considérerons cela comme une nouvelle phase de la guerre occidentale contre la Russie et nous réagirons en conséquence", a-t-il lancé face à la presse, en marge du G20 à Rio.

Pour lui, ces missiles précis américains ne peuvent pas être employés par Kiev "sans l'aide d'experts et d'instructeurs américains".

Vladimir Poutine a agité à plusieurs reprises le spectre d'un recours à l'arme nucléaire depuis le début de l'offensive en février 2022 contre l'Ukraine, un pays marqué par la tragédie de Tchernobyl en 1986.

Mardi, le président russe a déjà répondu à la décision américaine en signant le décret qui officialise la nouvelle doctrine nucléaire de la Russie: elle élargit la possibilité d'un recours à l'arme atomique en cas d'attaque "massive" par un pays non nucléaire mais soutenu par une puissance nucléaire. Une référence claire à l'Ukraine et aux Etats-Unis.

"Il était nécessaire d'adapter nos fondements (de la doctrine nucléaire) à la situation actuelle", a froidement défendu Dmitri Peskov, son porte-parole, pendant que M. Lavrov appelait les Occidentaux à "lire la totalité" du document.

"Jamais" soumise

L'Ukraine réclamait depuis de longs mois de pouvoir frapper des cibles militaires sur le territoire de la Russie pour dérégler la logistique de son armée, désormais appuyée par des milliers de soldats nord-coréens.

Face au Parlement ukrainien, Volodymyr Zelensky a estimé que le dénouement interviendrait en 2025.

"Cette étape déterminera qui l'emportera", a-t-il dit, assurant que "l'Ukraine peut vaincre la Russie", même si "c'est très difficile".

Mais M. Zelensky a reconnu, pour la première fois, que l'Ukraine pourrait devoir attendre l'après-Poutine pour "rétablir" son intégrité territoriale, les Russes occupant près de 20% de sa superficie.

C'est la première fois qu'il admet ainsi que son pays devra "peut-être" accepter, pendant un temps, la perte de zones occupées par la Russie.

Plus tôt, la diplomatie ukrainienne avait affirmé que l'Ukraine ne se soumettrait "jamais" à Moscou, tandis que le Kremlin affirmait, comme à son habitude, que son armée vaincrait.

Sur le terrain, les forces russes avancent sur plusieurs secteurs du front, notamment près de Kourakhové (est), où elles ont revendiqué mardi la conquête d'un nouveau village.

Destins liés

En outre, une frappe russe a provoqué la mort dans la nuit de lundi à mardi de dix personnes, dont un enfant, dans la région de Soumy (nord-est).

Sur le plan diplomatique, le retour prochain de Donald Trump à la Maison Blanche fait craindre à l'Ukraine que celui-ci ne force Kiev à des concessions.

Dans ce contexte, la Pologne et d'autres Etats européens ont affirmé être "prêts à assumer la charge du soutien militaire et financier" à Kiev, a déclaré le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski, après une réunion à Varsovie avec plusieurs de ses homologues européens.

Il leur faudra toutefois trouver un terrain d'entente durable, alors que le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé il y a quelques jours Vladimir Poutine pour la première fois en deux ans, provoquant la colère de Volodymyr Zelensky.

M. Poutine ne doit pas "parvenir à ses fins", a martelé mardi le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell s'est de son côté exclamé : "le sort des Ukrainiens déterminera le destin de l'Union européenne".

ATS
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